L’accord prévoit l’arrêt de toute forme de protestation, la constitution d’une commission composée de représentants des ministères de l’Education et de la Formation professionnelle, de l’Economie et des Finances, de la Fonction publique et de la Modernisation des secteurs, ainsi que de représentants des six syndicats d’enseignants, de l’Initiative civile et des enseignants stagiaires.
La nouvelle proposition porte sur la reprise par les enseignants stagiaires de la formation théorique durant les mois de mai, juin et juillet alors que la formation pratique leur sera assurée durant les mois de septembre, octobre et novembre. L’examen de fin d’études se déroulera en décembre et le concours pour le recrutement direct en janvier 2017. La proposition prévoit également que l’ensemble des enseignants stagiaires seront affectés à leurs postes de travail au plus tard le 1er février.
Pour rappel, ces derniers avaient contesté deux décrets, le premier séparant la formation du recrutement et le second réduisant de moitié leurs bourses mensuelles qui passent ainsi de 2454,51 à 1.200 DH.
Dès le déclenchement de la crise que ces deux textes de loi ont provoquée, le gouvernement et particulièrement son chef, à savoir Abdelilah Benkirane, a fait montre d’une intransigeance à la fois incompréhensible et fort dommageable. Au lieu de corriger l’erreur qu’il a commise en voulant faire appliquer ses deux décrets de manière rétroactive, il s’est retranché dans un entêtement qui frisait l’irresponsabilité. On se rappelle la déclaration faite il y a quelques mois par le ministre délégué chargé du Budget, Driss El Azami El Idrissi, qui a affirmé que «le gouvernement, qui demeure ouvert au dialogue, ne compte pas faire machine arrière concernant les deux décrets régissant la formation et le concours d’accès aux Centres régionaux des métiers d’éducation et de formation (CRMEF) ». Pareille attitude ne peut, en fait, que refléter la qualité des gens qui dirigent le gouvernement.
Pourquoi tant d’entêtement de la part du chef du gouvernement qui risquait de provoquer une explosion sociale? Pourquoi a-t-il attendu que le sang coule, que des enseignants soient emprisonnés, qu’un semblant d’état de siège ait été décrété dans toutes les villes du Royaume, que des gouverneurs aient pris la décision d’attenter à la liberté de circulation des enseignants stagiaires, que des manifestations pacifiques aient été interdites, qu’un jargon qui rappelle les tristement célèbres années de plomb ait été sorti des tiroirs pour justifier l’injustifiable pour agir enfin ?
De fait, s’il est un enseignement à tirer de tout cela, c’est qu’on ne peut nullement gouverner un pays avec pour simple panacée un entêtement des plus abjects et une volonté de tordre le cou aux plus simples des droits de l’Homme.
En effet, si la Constitution de 2011 prévoit une longue liste de droits et libertés, des interrogations subsisteront toutefois quant à leur effectivité. Depuis l’investiture du gouvernement Benkirane, on relève, en effet, des contradictions entre les droits proclamés par la Loi suprême et les restrictions qui les accompagnent et qui les vident de leur substance. Ce décalage entre le texte constitutionnel et la pratique pose le problème de l’Etat de droit. Les autorités chargées d’appliquer la loi ont eu, en effet, tendance, depuis 2012, à se soustraire à ses exigences qui cimentent le vivre-ensemble des Marocains.
Entre autres, articles de la Constitution que l’Exécutif actuel semble, en effet, avoir mis sous le boisseau dans sa gestion du dossier des enseignants stagiaires figure l’article 22 qui stipule qu’« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique » et que « Nul ne doit infliger à autrui, sous quelque prétexte que ce soit, des traitements cruels, inhumains, dégradants ou portant atteinte à la dignité ». Sur le même registre figure également l’article 24 de la Loi fondamentale qui précise qu’«Est garantie pour tous, la liberté de circuler et de s'établir sur le territoire national, d'en sortir et d'y retourner, conformément à la loi».
Cette liberté de circulation à laquelle l’Exécutif a porté itérativement atteinte en s’obstinant à ne pas prendre compte des doléances des futurs enseignants est d’ailleurs garantie par l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et l'article 2 du Protocole additionnel n°4 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Outre ces griefs, il en est nombre d’autres qui ont trait à la gestion du temps politique par le gouvernement Benkirane et à son incapacité à écouter qui que ce soit d’autre hormis sa propre voix. A preuve, il a bouché, de manière ostentatoire et incompréhensible, les oreilles au moment où des partis politiques, des syndicats et des associations de la société civile lui proposaient des plans de sortie de crise qui auraient fait gagner au Maroc non seulement un temps fort précieux mais aussi quelques points dans les classements internationaux qui lui permettent de drainer les investissements étrangers dont il a actuellement un besoin pressant.